Aujourd’hui c’est un sujet plus personnel que nous souhaitons partager avec vous. En effet, nous avons reçu de nombreux messages de personnes malades et/ou handicapées nous exprimant leur soutien mais également les difficultés traversées. C’est pourquoi nous allons, à notre petite échelle, livrer notre expérience, en espérant que cela puisse éclairer quelques uns d’entre vous. Les réponses apportées n’ont pas la prétention d’être une recette magique qui marcherait pour tous, mais plutôt d’apporter des pistes de réflexion à chacun.

La maladie au cœur du couple
Qu’est-ce que la maladie a changé dans votre vie de couple?
Hermine : Pour moi la maladie n’a apporté que des changements positifs au sein de notre couple. En effet, nous avons dû multiplier nos discussions sur des sujets très différents mais qui sont impactés par la maladie. Bien que nous nous connaissions depuis plusieurs années nous avons pu clarifier de nombreux éléments de nos vies, savoir ce que nous voulions chacun personnellement mais aussi pour notre couple et notre famille. Grâce à la maladie nous avons accéléré les changements profonds que nous désirions pour nous, sans avoir le courage jusqu’alors de les mettre en route.
Augustin : A vrai dire pas grand chose, si ce n’est que ca l’a incroyablement renforcé. Nous nous connaissons depuis longtemps avec Hermine et je savais que c’était quelqu’un de très à l’écoute et qui serait toujours présente, même dans de telles épreuves. J’ai néanmoins pu découvrir une force et une solidité incroyables en elle. Nous étions tous les trois à l’autre bout du monde, et malgré tous les troubles que nous vivions, elle n’a pas vacillé une seconde. C’est aussi très rassurant de savoir que mon épouse est aussi forte dans l’épreuve et que nous la traverserons toujours tous les deux…
Avez vous des conseils pour ne pas se décourager après le diagnostic d’une maladie?
Hermine : Je ne suis pas touchée directement par la maladie mais je pense qu’il faut accepter ce découragement qui est humain. Il ne faut pas chercher à tout prix a rejeter ces émotions de tristesse, désespoir et doute mais plutôt à les accompagner. Il est aussi important de se faire aider par des professionnels car l’annonce d’une maladie est un vrai traumatisme pour la personne malade (mais aussi pour son entourage) et il ne faut pas hésiter. Il ne faut surtout pas laisser trainer un mal être car cela peut empirer. Aussi, je pense qu’il est normal d’avoir des périodes d’angoisse, de rechute et de colère, même longtemps après l’annonce et il ne faut pas hésiter à en parler. Enfin, le conjoint est un appui important mais il ne peut faire le travail de reconstruction à la place du malade, c’est à lui seul de le faire en se faisant aider par une personne externe à sa souffrance.
Nous avons aussi la chance d’avoir la foi, ce qui nous porte au quotidien et nous donne une grande espérance quant à l’avenir.
Augustin: J’essaie de me retenir de donner des conseils. Je considère toujours que des épreuves aussi personnelles n’ont que très peu de facteurs universels et donc que je n’ai pas plus de légitimité qu’un autre pour conseiller une manière de faire. Je pense que dans mon cas il y a eu trois facteurs essentiels après le diagnostic: ma famille, une aide psychologique et surtout le temps. Je commencerai par le dernier car finalement c’est surtout le temps qui m’a permis de remonter doucement la pente. Je suis quelqu’un de plutôt combatif, mais après l’annonce j’étais dévasté. J’ai très vite été submergé par des angoisses terribles et le stress constant de l’avenir. J’avais beau essayer de me raisonner, de me battre, de me remotiver rien n’y faisait. Et puis avec le temps, à force de dialogue avec mon épouse, de travail avec une psychologue incroyable qui m’a beaucoup fait avancer, et de réflexion personnelle j’ai fini par sortir de la vague. J’ai encore des moments de doute où j’angoisse, mais rien à voir avec ce que j’ai pu vivre l’an dernier.
Qu’est-ce qu’Hermine est amenée à faire pour aider Augustin?
Hermine : D’un point de vue purement pratique je pense surtout à la nuit car pour l’instant c’est le moment de la journée qui pose problème à Augustin. Il n’a plus le droit de conduire la nuit, je dois donc être son chauffeur s’il a besoin de sortir le soir. Mais il y a un avantage à cela, nous ne nous disputons plus pour savoir lequel va conduire ! Aussi, lorsque nous marchons dans la rue il doit se tenir à moi car il ne voit pas tous les obstacles. Pour l’instant la maladie n’impacte pas notre quotidien de façon significative.
D’un point de vue plus psychologique j’essaie d’être présente au quotidien dans les moments de doutes et de peurs, de rassurer et remotiver Augustin. Mais je crois que c’est le propre de chaque couple de soutenir l’autre quand il ne va pas bien et vice-versa, même lorsqu’il n’y a pas de maladie.
Augustin : Je pense qu’elle est la plus à même de répondre. Je peux simplement exprimer mon infinie reconnaissance pour le soutien et l’aide essentiels qu’elle a été et qu’elle est encore au quotidien.

La famille et la maladie
Comment envisager l’avenir de la famille avec ces incertitudes inquiétantes?
Hermine : C’est vrai que c’est un grand chamboulement familial, quand nous avons reçu le diagnostic notre fils avait 1 mois. Il a été notre moteur justement pour construire un avenir et ne pas baisser les bras. C’est grâce à lui que nous avons relancé les projets qui nous tenaient à cœur. Il est évident que beaucoup de questions ont émergées, notamment le fait d’avoir d’autres enfants susceptibles de contracter la maladie ou encore le fait d’assumer son rôle de père pour Augustin si un jour il est aveugle. Nous en avons conclu que nous pouvions déjà mettre des choses en œuvre pour préparer l’avenir, être prévoyants mais ne pas essayer non plus de tout contrôler car la vie est pleine de surprises. D’un point de vu pratique, nous nous renseignons déjà sur des alternatives possibles pour son travail mais aussi pour la vie quotidienne et les aides qui existent. Nous avons choisi de croire en notre grande adaptabilité et de mettre notre espérance dans les rencontres que nous ferons au long de ce cheminement familial. Je suis intimement persuadée que nous recevrons les forces nécessaires au moment voulu.
Augustin: C’est une très bonne question car l’avenir familial a représenté un grand paradoxe tout au long de cette épreuve. En effet, elle a été ma plus grande crainte avant de devenir mon moteur. Après le diagnostic j’ai tout de suite plongé dans les angoisses liées à l’avenir de ma famille: vais-je pouvoir travailler, voir mes enfants, vont-ils contracter la maladie? Tout cela a été extrêmement difficile à traverser, d’autant que notre fils avait à peine un peu plus d’un mois. Nous étions sur un petit nuage avant d’en redescendre à une vitesse record. Et puis, passé le temps de l’émotion, en y réfléchissant, c’est justement ma famille qui m’a fait avancer. Était-ce cet exemple que je souhaitais donner? Allais-je me laisser définir par ma maladie? Il en était hors de question. Si mes enfants devaient avoir cette maladie ils devaient voir que ca n’était pas une fin en soit, et que malgré elle, leur père avant eux avait pu construire des choses et se battre pour qu’ils puissent peut être avoir un traitement.
Comment vivre avec la peur que vos enfants soient atteints?
Hermine : Je pense que c’est une peur qui ne nous quittera pas jusqu’à ce que nous sachions si notre fils est atteint. Cependant nous gardons espoir car l’hôpital où est suivi Augustin a été plutôt optimiste sur l’hérédité de la maladie. Nous en saurons plus lors des résultats génétiques dans quelques mois. Il y a également le fait que la recherche avance très vite et nous pouvons légitimement espérer que nos enfants, s’ils sont atteints, pourront bénéficier d’un traitement. Enfin, s’ils sont atteints ils n’auront pas le traumatisme de le découvrir à l’âge adulte de façon fortuite et pourront être accompagnés de la meilleure façon qui soit.
Augustin : Cela a surement été le plus difficile à gérer. Il y a tout d’abord eu l’angoisse que notre petit bébé de tout juste un mois soit atteint. Mais est ensuite venu le sentiment de culpabilité de pouvoir éventuellement la transmettre si nous avions d’autres enfants. Aujourd’hui il y a toujours une angoisse latente, bien sûr, mais dans le même temps nous ne pouvons pas vivre continuellement avec autant de peurs. Il a fallu là encore en parler, y réfléchir, et en cela l’avis des médecins qui me suivent aux XV XX a également été d’une grande aide. Nous devrions d’ailleurs en savoir plus quant à la transmissibilité de la maladie lorsque j’aurais mes résultats de recherches génétiques.
Est-ce que votre fils a conscience de la maladie d’Augustin?
Hermine : Je ne pense pas qu’il ait conscience de la maladie d’Augustin en tant que telle (qu’il peut devenir aveugle et ce que cela implique) mais je suis sure qu’il ressent les émotions que nous traversons. En effet, lorsque nous avons eu le diagnostic et qu’il n’avait qu’un mois, cela a été un tel choc pour nous que lui s’est mis à hurler dans sa poussette alors qu’il était très paisible avant. Les enfants comprennent et ressentent beaucoup plus de choses que ce que nous croyons et ce depuis le plus jeune âge. C’est pour cela qu’à mon sens il est important d’exprimer à nos enfants ce qui se passe, leur expliquer nos émotions et les faire déculpabiliser, qu’ils ne pensent pas être la cause de cette tristesse ou tension. Aujourd’hui notre fils a 19 mois et nous ne l’étouffons pas avec les soucis liés à la maladie mais nous lui expliquons de temps en temps ce qui se passe et pourquoi.
Augustin : Sans doute, difficile à dire. Au plus fort de la « crise » il a surement du comprendre, éponger toutes les émotions qui traversaient notre foyer. Comme l’a mentionné Hermine, l’épisode du diagnostic a été frappant. Nous avons toujours parlé avec lui de ce qui se passait pour qu’il comprenne, pour qu’il sache que nous vivions des choses difficiles mais que nous avions la chance d’être une famille unie. Lorsqu’il m’arrivait de tester mon champs visuel, dans des épisodes d’angoisse de perdre un peu plus ma vue, on retrouvait parfois notre fils en train de m’imiter, un œil fermé et le doigt tendu en train de tester son champs visuel lui aussi. Passé l’amusement de la situation, cela aura tout de même eu le bénéfice de me forcer a éviter de faire de tels exercices qui n’ont d’autres vertus que de me fatiguer un peu plus les yeux.
Comment se placer face a une personne malade en tant qu’entourage proche ?
Hermine : Je pense qu’il faut surtout écouter le malade dans un premier temps, ne pas forcément être dans l’action immédiate, à chercher des solutions, explications. Dans un premier temps il faut accompagner la douleur, être une oreille attentive mais discrète et surtout ne pas minimiser la maladie. Beaucoup de gens pensent bien faire en disant « mais non ca va aller », « tu ne vas jamais être aveugle j’en suis sur ! » alors que la personne malade souhaite entendre « je serai là pour t’accompagner quoiqu’il arrive ». Il ne faut pas être dans le déni ni encourager le déni possible de la personne malade. L’acceptation de la maladie peut être difficile aussi pour l’entourage, mais dans ce cas là il vaut mieux ne rien dire et faire son chemin sur ce sujet de son côté, car le malade ne peut pas en plus de sa maladie supporter la tristesse de tout son entourage. L’écoute est vraiment la clé.
Augustin : Je ne suis sans doute pas le mieux placé pour répondre à cette question. Néanmoins, en tant que personne malade, je peux simplement dire qu’il nous est souvent plus difficile d’entendre que « tout ira bien » alors qu’on sait que ça ne sera pas le cas. Je pense qu’il est important d’être dans la vérité et l’écoute et que consoler ne signifie pas entretenir la personne malade dans le déni, bien que cela ne soit pas toujours l’intention première de notre entourage, bien au contraire. La réalité de ces situations est compliquée à admettre et accepter, et il faut s’y atteler le plus vite possible sans se faire de faux espoirs. Pour être combattif, il faut avoir la notion de ce contre quoi nous nous battons… Inutile de le nier ou le contourner. Le traumatisme d’un tel diagnostic est aussi extrêmement difficile pour les proches de la personne malade et il est aussi important de le comprendre. Ils peuvent eux-aussi parfois s’enfermer dans une forme de déni, et c’est là où l’intervention d’une aide extérieure peut être salvatrice. Au moment où j’étais le plus désespéré, où je me sentais complètement démuni face à la maladie, j’ai eu a chance de rencontrer une psychologue extraordinaire. Elle m’a permis de remonter la pente, et de réaliser à quel point je pouvais faire de ma maladie une force. De me voir aller mieux a aussi fait beaucoup de bien à mes proches et nous avons d’ailleurs pu commencer à dialoguer beaucoup plus sereinement de ce qui m’arrivait. Le positif que nous exprimons rayonne autant que le négatif.
Nous espérons que ce petit témoignage sera utile pour certains d’entre vous, n’hésitez surtout pas à nous contacter par mail ou via nos réseaux sociaux si vous traversez une période difficile.. A très vite !